Glenn Sestig: Des lignes architecturales
Texte par Arnaldo Smet
15.05.17
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À partir d’une sélection limitée de matériaux de haute qualité, Glenn Sestig parvient à évoquer des visions de grandeur passée, bien qu’il serait trop facile de le qualifier de minimaliste.
Ses intérieurs sont urbains et constituent presque une extension du monde extérieur. Ils sont rigides et précis, comme le réseau d’une ville, tout en se caractérisant par une composition raffinée. À partir d’une sélection limitée de matériaux de haute qualité, Glenn Sestig parvient à évoquer des visions de grandeur passée, bien qu’il serait trop facile de le qualifier de minimaliste. Son luxe est de nature silencieuse et repose sur la vie moderne et les éléments essentiels de l’espace et de la fonctionnalité. Cet architecte basé à Gand a signé des boutiques, des galeries, des discothèques, des bureaux et des résidences privées à travers sa Belgique natale. Pour trouver un dénominateur commun au sein de son portfolio éclectique, il faut toutefois creuser la surface et se pencher sur le processus de réflexion qui nourrit tous les projets qu’il mène. Dans un entretien qu’il a accordé à TLmag au sujet de ses derniers projets, Glenn Sestig laisse apparaître une architecture propre au lieu et au moment.
(Supérieur) Studio Deewee, Gand. (Sous) La boutique Hieronymus, Zurich. Photos: Jean Pierre Gabriel
(Supérieur) Studio Deewee, Gand. (Sous) La boutique Hieronymus, Zurich. Photos: Jean Pierre Gabriel
×TLmagazine : Votre travail se caractérise par une approche architecturale du volume et de la perspective. Qu’est-ce qui vous a poussé à appliquer ces principes au design d’intérieur ?
Glenn Sestig : À mes yeux, l’architecture et l’intérieur ne font qu’un. L’un ne va pas sans l’autre, c’est pourquoi je préfère parler d’architecture d’intérieur. Mies van der Rohe, Le Corbusier et Frank Lloyd Wright les ont tous envisagés comme un tout ; de même, je n’accepterais jamais de travailler sur l’intérieur d’une maison récemment dessinée par quelqu’un d’autre. Je travaille de façon très intuitive. En matière de volume et de perspective, on peut considérer que mon travail est minimal, voire brutaliste, comme c’est le cas de la boutique située à un angle du marché londonien de Dover Street, que j’ai récemment dessinée pour Raf Simons. Mais mes créations peuvent également être glamour, comme la boutique phare de Hieronymus à Zurich, dont les volumes ont un aspect plus arrondi du fait des matériaux sophistiqués qui ont été utilisés. Pour chaque projet, j’adopte une approche d’architecte : je crée un plan simple et fonctionnel, puis je l’élabore.
TLmag : Quel est votre plus ancien souvenir lié au design ?
G.S. : Étant enfant, je me rappelle avoir remarqué de belles maisons dans ma ville. Alors que je n’avais que douze ans, mes parents m’ont en quelque sorte autorisé à dessiner ma chambre et ma salle de bain. À cette époque, je n’aspirais pas nécessairement à devenir architecte. J’envisageais plutôt une carrière dans le design, mais la voie de l’architecture semblait plus sûre.
TLmag : Avez-vous le sentiment que votre travail comporte une composante intrinsèquement belge ?
G.S. : Non, ce n’est pas du tout le cas. Mon point de vue est plutôt global. À cet égard, je ne fais pas étalage de ma nationalité. S’il est vrai que la plupart de mes travaux ont été menés en Belgique, des projets internationaux se profilent toutefois à l’horizon.
(Supérieur) Pleasure Dome avec Van De Weghe. Photo: Frederic Vercruysse. (Le Centre & Sous) Signature Kitchen pour Obumex. Photos: Jean Pierre Gabriel
(Supérieur) Pleasure Dome avec Van De Weghe. Photo: Frederic Vercruysse. (Le Centre & Sous) Signature Kitchen pour Obumex. Photos: Jean Pierre Gabriel
×TLmag : Au salon Maison & Objet 2016, vous avez présenté une cuisine dessinée pour Obumex et presque entièrement composée de pierre naturelle façonnée chez Van Den Weghe, un matériau à la base d’un grand nombre de vos créations. Pourquoi l’affectionnez-vous autant ?
G.S. : J’ai toujours été attiré par de vastes surfaces et j’aime les projets qui avancent rapidement. La pose de grandes dalles en pierre transforme immédiatement un espace. Pour la cuisine Signature, j’ai choisi le travertin iranien, qui figure parmi mes pierres favorites ; la version commerciale de cette cuisine est en titane, qui peut tendre sur le rouge avec le temps. La pierre naturelle n’est pas bon marché, mais c’est un matériau qui résiste au temps, c’est sans doute pourquoi elle me plaît tellement.
TLmag : Vous avez également travaillé avec un autre Belge, Raf Simons, d’abord sur l’unité de vente de sa ligne textile Kvadrat et à présent sur sa marque de mode. À quel point s’est-il impliqué dans le processus de conception ?
G.S. : Raf a étudié le design industriel à Anvers, il sait donc ce qu’il veut. Il m’a montré des photos d’œuvres d’art qui lui plaisent puis nous avons lancé quelques idées. L’une d’entre elles me semblait déjà vue, je l’ai donc convaincu de faire quelque chose de complètement différent. L’idée de la construction en béton du marché de Dover Street m’est venue alors que je visitais le musée d’art moderne de Rio de Janeiro. Le béton dont se constitue ce bâtiment a été exposé aux intempéries au fils des ans et des morceaux d’acier rouillé affleurent ici et là. J’ai voulu reproduire cet effet sur la boutique, qui est faite de vrai béton mais dont le moulage de 6 mm d’épaisseur permet un déplacement facile.
TLmag : L’une de vos dernières incursions dans le design de produits s’intitule Pleasure Dome. Il s’agit d’une cloche en verre multifonctionnelle produite en collaboration Van Den Weghe. À quoi d’autre peut-on s’attendre de votre part ?
G.S. : Je travaille actuellement sur une édition limitée du Pleasure Dome avec la galerie Spazio Nobile et l’entreprise de cristal Lasvit pour la Biennale Interieur, mais rien de plus. Mon tout premier produit était une lampe sur mesure que j’ai conçue en 1999 pour une boutique et qui est ensuite devenue la lampe Regard, pour Kreon. Je n’ai dessiné que quelques produits depuis, mais j’aimerais en faire davantage.
Corner Raf Simons au Dover Street Market, Londres. DSM de Glenn Sestig Architects
Corner Raf Simons au Dover Street Market, Londres. DSM de Glenn Sestig Architects
×Interview d’Arnaldo Smet