Lindsey Adelman: Saisir la beauté par la lumière
Texte par Blaire Dessent
30.08.17
Cette page a été archivée et n'est plus mise à jour
Lindsey Adelman se trouve depuis une décennie au cœur d’un mouvement de design de luminaires en plein essor aux États-Unis.
Knotty Bubbles Chandelier C with clear glass and khaki rope. Photo: Joseph de Leo
Knotty Bubbles Chandelier C with clear glass and khaki rope. Photo: Joseph de Leo
×Diplômée de l’école de design de Rhode Island en design industriel, elle a commencé en 1996 à se spécialiser dans l’éclairage pour finalement ouvrir en 2006 son propre studio dans le centre-ville de New York. Elle cherche à saisir l’éphémère beauté de la nature en mariant des matériaux naturels et des formes organiques à des pièces détachées et à la modernité industrielle. Un nouveau type d’objets de luxe surgit ainsi du contraste produit entre des éléments métalliques en laiton lustré ou en bronze huilé et du verre teinté ou de la porcelaine d’un blanc laiteux. Produite en 2006, la collection intitulée Branching Bubbles comprend des œuvres qui font penser à des sculptures suspendues composées d’une armature métallique soutenant des globes en verre soufflé à la bouche. D’autres collections démontrent que le travail de Lindsey Adelman peut être à la fois sensuel et puissant : c’est le cas de Burst, dont le verre arrondi et les pointes effilées se hérissent littéralement de son centre, de Cherry Bomb, qui se compose de sphères en verre feuilleté et de délicates chaînes métalliques dignes d’un orfèvre, ou encore de Knotty Bubbles, dont les globes en verre sont suspendus à d’épaisses cordes de bateau. Tout au long de sa carrière de designer, Lindsey Adelman a également injecté de la performance, de la danse et de la vidéo dans ses pièces, brouillant parfois les frontières entre le design fonctionnel, l’art et l’installation. Son travail a été exposé au Musée national de design Cooper Hewitt et à Design Miami et elle continue de collaborer avec des galeries européennes et américaines, comme les galeries Nilufar, Triode et Future Perfect et des marques telles Roll & Hill.
Cherry Bomb Fringe Flush Mount with brushed brass and white & gold globes. Photo: Lauren Coleman (top). Cherry Bomb Pendant, installation Nilufar Depot, Salone del Mobile, 2016 (bottom)
Cherry Bomb Fringe Flush Mount with brushed brass and white & gold globes. Photo: Lauren Coleman (top). Cherry Bomb Pendant, installation Nilufar Depot, Salone del Mobile, 2016 (bottom)
×Quelle a été l’influence de la ville de New York sur votre travail de designer ? Diriez-vous que votre vie dans cette ville a en quelque sorte façonné votre identité de créatrice?
Tout à fait. New York occupe une grande place dans ma vie de designer. Je suis née ici et j’ai un peu voyagé après l’université, mais j’aspirais à revenir à New York. Il s’agit d’une ville intéressante pour un designer : on a parfois besoin de voir et de ressentir la frustration et les difficultés qu’éprouve la population face à certains problèmes pour avoir profondément envie de les résoudre grâce au design. Si New York regorge bien évidemment de ce genre d’angoisses, on y trouve également des habitants qui profitent pleinement de la vie. Ce qui m’inspire le plus dans cette ville, c’est probablement sa capacité à attirer des personnes débordant de passion et de volonté qui font tout pour surmonter les obstacles. Ce genre d’instinct insensé qui nous pousse à faire ce qui nous passionne, quoi qu’il en coûte, m’est familier ; il se manifeste également dans les performances, les danses, les sculptures, les concerts et les conversations les plus incroyables dont je m’inspire chaque jour. J’apprécie vraiment de pouvoir vivre dans un environnement urbain tout en ayant la possibilité de m’échapper à la plage tout au long de l’année.
Depuis que vous avez fondé votre studio, il y a dix ans, la communauté new-yorkaise de designers/artisans a crû de façon exponentielle, tout comme votre travail. Pendant cette période, votre façon novatrice d’utiliser le laiton et les matériaux industriels en les mêlant à des formes organiques et des matériaux bruts a ouvert la voie à un tout nouveau mouvement, une nouvelle esthétique et un intérêt renouvelé pour le design de luminaires aux États-Unis. Comment interprétez-vous ce mouvement unique et pourquoi pensez-vous que l’éclairage suscite désormais un tel intérêt chez les designers et les collectionneurs ?
L’éclairage est illimité et sculptural. Le design de luminaires est un moyen d’expression. On ressent une satisfaction immédiate en les allumant : il s’agit d’un geste à la fois très simple et très gratifiant. On peut emprunter de nombreuses voies pour devenir designer de luminaires, ce qui n’est pas le cas dans tous les types de design ; il suffit par ailleurs de se rendre sur Canal Street [une rue de Manhattan] ou sur internet pour se procurer les éléments nécessaires à la composition d’une première pièce. Après avoir créé mon premier luminaire, j’ai naturellement eu envie de continuer. Il existe en outre à New York un public très sensible à ce type de pièces.
Branching Bubble in oil-rubbed bronze with grey globes. Photo: Lauren Coleman
Branching Bubble in oil-rubbed bronze with grey globes. Photo: Lauren Coleman
×Vous avez récemment mené des expériences avec d’autres disciplines tels que la danse, la photographie, la vidéo et la performance, prises individuellement ou conjuguées au design de luminaires. Pourriez-vous nous parler de ces centres d’intérêt et de l’importance d’explorer d’autres disciplines dans votre travail ?
J’ai toujours adoré la danse, la photographie et la vidéo. Si ces supports ne faisaient au départ partie que de ma vie personnelle, le fait de gérer mon propre studio me pousse à constamment rechercher de nouvelles façons d’incorporer mes passions personnelles dans mon travail. Lorsqu’une possibilité se présente, je dois la saisir. Je vois le design de luminaires, l’organisation d’événements et la performance comme des disciplines très proches qui consistent à créer un espace ou un moment dans le but d’exalter la vie réelle qu’ils abritent. Je cherche autant que possible à élever et à glorifier la vie normale.
Dans le même esprit, pourriez-vous également nous parler de vos collaborations ?
Le mot « collaboration » est un drôle de mot qui recouvre en quelque sorte toutes les relations que l’on peut avoir avec les clients, les employés, les fournisseurs ou les artisans. Nous unissons tous nos efforts pour donner corps à une idée. En tant que directeur de création, je dois travailler étroitement avec de nombreuses personnes autour d’une même idée. La collaboration fait naturellement partie de tout ce que je fais, même lorsque je suis le seul auteur de l’idée en question. J’essaie toutefois de limiter l’utilisation de ce terme à des idées développées conjointement avec d’autres créateurs, dans un souci de clarté de processus et de droit d’auteur. Il s’agit de bâtir et d’alimenter des relations, d’établir des synergies et d’évoluer individuellement pour revenir avec de la matière sur laquelle travailler et discuter.
BU.10.04 in brushed brass with clear colorway (top). BD.09.01 in brushed brass with porcelain disc shades (bottom). Photos: Courtesy Lindsey Adelman Studio
BU.10.04 in brushed brass with clear colorway (top). BD.09.01 in brushed brass with porcelain disc shades (bottom). Photos: Courtesy Lindsey Adelman Studio
× Les textures et subtilités de vos matériaux font partie de la magie et du luxe de vos créations : la porcelaine, le verre, les chaînes et les métaux patinés. Comment commence la recherche du bon matériau et quelle est son importance pour maintenir l’aspect artisanal de vos créations ?
Les textures et subtilités de vos matériaux font partie de la magie et du luxe de vos créations : la porcelaine, le verre, les chaînes et les métaux patinés. Comment commence la recherche du bon matériau et quelle est son importance pour maintenir l’aspect artisanal de vos créations ?
Pouvez-vous nous parler de quelques projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Deux de mes designers internes ont conçu des projets de luminaires dont je me réjouis d’annoncer la sortie. J’ai en effet travaillé pendant de nombreuses années avec Karl Zahn et Mary Wallis, dont j’ai vu évoluer le travail de façon admirable. Je leur ai demandé si je pouvais produire et vendre leurs créations avec les miennes, et c’est ce que nous avons fait ! Les nouvelles pièces seront présentées dans notre salle d’exposition pendant la semaine du design de New York.
Pensez-vous que la production d’œuvres d’autres designers constitue une nouvelle voie pour le studio Adelman ?
Je la vois comme une façon d’offrir des opportunités aux designers de mon propre studio. Il s’agit pour nous d’une façon de souder l’équipe.
Interview de Blaire Dessent.