L’expansion croissante de l’Afrique sur la création contemporaine.

Tord Boontje, Shadowy Collection, ed. Moroso, exposition M'Afrique exhibition

Le design africain en Occident | Industry News

Tord Boontje, Shadowy Collection, ed. Moroso, exposition M'Afrique exhibition

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Lorsque la plateforme de création Design Indaba, basée au Cap, a contacté Li Edelkoort pour monter une exposition sur le design africain, la vision de cette spécialiste des tendances mondiales était déjà bien arrêtée. Son idée ? Fusionner le travail d’artistes sud-africains avec l’esthétique d’un populaire courant de design des années 80. Connue pour ses fines analyses de l’évolution des tendances socioculturelles, Li Edelkoort avait déjà remarqué en 2013 la similarité entre le mouvement de design milanais Memphis et l’artisanat traditionnel africain. Ce mouvement affichait en effet une claire influence africaine, perceptible à travers ses imprimés zèbres, ses couleurs disco et ses motifs totémiques. C’est de cette réflexion qu’est née Totemism: Memphis meets Africa, une exposition qui a su donner un souffle nouveau à la ludique pensée afro-italienne.

Totemism - Memphis Meets Africa, at Design Indaba Photo: © Riccardo Pugliese

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Totemism - Memphis Meets Africa, at Design Indaba Photo: © Riccardo Pugliese

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Hassan Hajja & Reebok sneaker une collaboration influencée par les motifs des tapis sénégalais

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Hassan Hajja & Reebok sneaker une collaboration influencée par les motifs des tapis sénégalais

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Le photographe et cinéaste Hassan Hajjaj Photo: © Camille Zakharia

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Le photographe et cinéaste Hassan Hajjaj Photo: © Camille Zakharia

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Indubitablement provocante, cette fusion culturelle en forme d’hommage n’avait pourtant rien de nouveau : le fabricant de meubles artisanaux Moroso avait en effet développé quatre ans plus tôt l’exposition et série de collections M’Afrique. Désireuse de « dépasser les stéréotypes » en s’inscrivant dans une démarche plus commerciale, sa directrice de création Patrizia Moroso avait alors collaboré avec le designer Stephen Burks sur la production d’une série de meubles et d’objets conçus par des créateurs d’Afrique et d’ailleurs cherchant à ne pas présenter l’Afrique comme le continent « des tragédies » voire, au mieux, comme « une expérience érotique ».

Les magnifiques pièces réalisées à partir de filets de pêcheurs sénégalais démontrent que la beauté sommeille n’importe où, qu’il suffit de la rechercher pour l’y trouver, mais aussi qu’une incontestable éloquence émane de la fusion entre les idées africaines et la sensibilité occidentale. Designer de premier plan, Stephen Burks a depuis longtemps pris conscience de l’influence mutuelle qui s’exerce entre partenaires d’Afrique et d’ailleurs, mais aussi de son héritage afro-américain, qui lui apporte des « réponses dont [il a] tant de mal à saisir l’origine », mais « dont tout [lui] rappelle sans cesse l’existence ».

Stephen Burks a le sentiment qu’avec ses cinquante-quatre pays et ses innombrables tribus et cultures, l’Afrique est devenue « le symbole de toutes les causes qui se veulent socialement engagées, favorables à la durabilité et sources de développement ».

1. Stephen Burks Photo: © Emin; 2-3. Stephen Burks ManMade lamps 'The Others' pour Dedon avec des yeux aux formes rondes

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1. Stephen Burks Photo: © Emin; 2-3. Stephen Burks ManMade lamps 'The Others' pour Dedon avec des yeux aux formes rondes

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Il s’agit d’une opinion honnête et intéressante. Stephen Burks collabore avec des clients comme le fabricant italien Capellini, la maison de couture Missoni et l’éditeur de français Roche Bobois. Il perçoit la présence des influences africaines à travers les collections de ces marques tournées vers l’avenir et conscientes du statut émergent de l’Afrique.

C’est peut-être sa collaboration avec le fabricant de meubles Dedon qui illustre le mieux l’impact de ses projets interculturels. La série de lanternes solaires anthropomorphiques baptisée The Others véhicule un message esthétique et politique à travers une « mignonne » paire d’yeux arrondis. Née de la frustration suscitée par « l’arrogance des pays développés envers les pays en développement », de la montée du nationalisme et du refus de l’immigration, cette création rappelle que l’on n’est jamais à l’abri d’être jugé, scruté ou marginalisé.

'Ostrich in Love' chaises outdoor inspirées de la parade nuptiale des autruches en Afrique de l'Est, coll. M'Afrique Collection, ed. Moroso, designs: Patricia Urquiola, Tord Boontje Photo: © Moroso

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'Ostrich in Love' chaises outdoor inspirées de la parade nuptiale des autruches en Afrique de l'Est, coll. M'Afrique Collection, ed. Moroso, designs: Patricia Urquiola, Tord Boontje Photo: © Moroso

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Yinka Ilori avec une chaise upcyclée présentant la palette de couleurs MiAdidas réalisée dans le cadre d'une collaboration avec WeTransfer

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Yinka Ilori avec une chaise upcyclée présentant la palette de couleurs MiAdidas réalisée dans le cadre d'une collaboration avec WeTransfer

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L’univers du design fait depuis longtemps l’objet d’une transformation opérée par une jeunesse dynamique et créative et la scène de la création a vu émerger et se distinguer des noms issus de l’Afrique et de ses diasporas. Des innovations qui ont vu le jour dans des villes africaines et leurs banlieues sont parvenues jusqu’aux oreilles d’entreprises mondiales. De nouvelles méthodes de recyclage ont même émergé dans des lieux problématiques tels que le bidonville kényan de Kibera, où l’artiste Cyrus Kabiru a imaginé et assemblé ses lunettes C-Stunner, désormais admirées pour leur capacité à créer un style à partir de matériaux de récupération.

Les partenariats noués par certaines grandes marques mondiales attestent de l’influence grandissante de l’Afrique sur l’Occident, bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène nouveau. On y trouve de grands noms comme celui d’Hassan Hajjaj, « Andy Warhol marocain », dont la collection de baskets imaginée l’an dernier pour Reebok États-Unis témoignait d’influences nord-africaines et sénégalaises. Entre Londres et le Nigéria, Yinka Llori a, pour sa part, formulé des propositions colorées de tennis personnalisées en collaboration avec We Transfer et MiAdidas ; singulier créateur de meubles aux influences yoruba, ce dernier est également l’auteur d’éclatantes créations entrées en avril dernier au musée d’Ethnographie de Stockholm, lors de l’inauguration de nouvelles salles.

Caractérisée par de dynamiques et visionnaires métissages, la réflexion menée autour du design produit en Afrique et par ses diasporas aspire à une profonde transformation du design mondial, d’autant que l’Afrique est de plus en plus considérée comme le continent du XXIe siècle. Des défilés de mode aux écrans de cinéma, l’attention palpable et continue qui lui est accordée ne se résume manifestement pas à une simple mode. Si la vie imite l’art, il s’avérerait alors possible, dans un monde où les studios Marvel portent le royaume de Wakanda sur grand écran, de ne plus considérer une telle influence comme simplement visionnaire, mais d’envisager un avenir véritablement africain.

Par: Nana Ocran

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